Célèbre constructeur de monoplaces, Tico Martini fut aussi l’un des trois piliers de l’École Winfield avec Mike et Richard Knight. De tous les champions en herbe qu’il a côtoyés, il en est un en particulier cher à son cœur.

On connait le concepteur génial qui de la Formule France à la F1 en passant par la F. Renault, la F3 ou la F2, fut l’un des plus victorieux constructeurs de monoplaces de tous les temps. Automobiles Martini fut jusqu’en 2004 une référence sur la scène internationale au même titre que Reynard, Ralt ou encore Dallara. Mais ce n’est pas uniquement dans ce domaine que Tico Martini fut une sommité, l’enseignement qu’il dispensa lors des glorieuses premières années de la Winfield lui ayant permis de se faire aussi un nom dans le monde du pilotage.

 

DE LA LIGURIE AU JERSEY

Né le 6 décembre 1934 à Pigna, petit village de la Ligurie qui surplombe Bordighera, Renato Martini, dit « Tico », forcé à l’exil par la Seconde Guerre mondiale, trouva refuge à Jersey avec ses parents.

À la libération, à 17 ans, il se voyait contraint de retourner dans son Italie natale pour effectuer son apprentissage de mécanicien ; les émigrés italiens n’ayant alors que le droit de travailler dans le domaine de l’hôtellerie.
Une fois les restrictions levées, il revint à Jersey où il fut rapidement embauché par Bill Knight. Affiliés au même Automobile Club, s’affrontant sur les mêmes pistes de sable lors des week-ends, les deux hommes se lièrent d’amitié.

 

Tico Martini et Bill Knight en course ensemble

 

TICO MARTINI ET WINFIELD

Bientôt, le jeune Tico se vit confier la mission de visiter l’école pour établir un véritable état des lieux et d’assurer le suivi technique. « L’école utilisait des Lotus 18 dont le moteur cassait sans arrêt, se souvient-il. Une fois sur place, j’ai résolu le problème technique et, à chaque fois qu’il y avait un cours, j’assistais le directeur de l’école Henry Morrogh en qualité de moniteur. Après le départ de ce dernier, j’ai dirigé seul l’école pendant deux ans, avant de proposer à Mike Knight de construire nos propres voitures écoles. J’étais instructeur le jour, et à ma planche à dessin la nuit. » La MW1 (Martini-Winfield) naquit en 1967, une année que le constructeur alors en herbe n’est pas près d’oublier puisqu’elle marqua aussi les débuts en compétition du Volant Shell 1966 : un certain Cevert !

 

Première voiture de Tico Martini : la MW1

 

FRANÇOIS CEVERT : UN FUTUR CHAMPION

« Je me souviens des pré-sélections pour la finale, explique Tico. Nous avions des monoplaces Merlin et un unique exemplaire de Lotus 18. Évidemment personne ne voulait de cette dernière. J’avais moi-même fait des tours pour établir des temps de base avec les deux modèles et il y avait une différence dont nous allions évidemment tenir compte. Comme personne ne voulait de la Lotus, François a fini par se désigner. Il a fait trois tours et n’est pas repassé ! Il était sorti dans un virage à gauche, ce qui était éliminatoire. Je suis allé le voir et il m’a dit : « Tico, il y a eu un problème technique. Quelque chose a dû casser car j’ai tourné normalement à l’entrée du virage mais rien ne s’est passé. Effectivement un triangle avait cassé. » Finalement repêché, il allait dominer une finale riche de noms qui allaient devenir célèbres comme Robert « Jimmy » Mieusset ou plus encore Patrick Depailler.

 

François Cevert lors du Volant Shell 1966

 

« François s’était montré très discipliné lors des stages, sourit l’ancien instructeur en voyant défiler dans son esprit les images un peu jaunis du Volant Shell 1966. Il allait vite mais sans plus. Par contre, le jour de la finale qui s’est disputée sur une trajectoire mi-sec mi-mouillé, il a attaqué comme jamais il n’avait encore attaqué et il est resté sur la piste. Mieusset a été très bon, mais François était un cran au-dessus. »

Cela fait presque 60 ans mais le souvenir du pilote disparu six ans après leur rencontre – en octobre 1973 lors des essais qualificatifs du Grand Prix de Formule Un des Etats-Unis – reste des plus vivaces dans son esprit. Tico Martini a eu des rapports privilégiés avec un grand nombres de pilotes hors-normes mais aucun qui n’aient laissé dans sa mémoires une marque aussi indélébile.

 

Crédits photos : ©Classic Days