A l’évocation du nom Winfield, c’est tout le visage de René Arnoux qui s’illumine. L’homme a gardé une profonde affection pour l’école, et une admiration pour ses créateurs. 

 

Le regard, la voix, tout n’est qu’émotion quand René Arnoux parle de son expérience à la Winfield en 1972. « J’avais fait beaucoup de kart, j’avais été sélectionné en équipe de France de nombreuses fois mais ça ne voulait pas dire grand-chose, sauf que tu étais assez bon, évoque-t-il. Pour le reste, il ne fallait pas espérer une aide financière de la fédération de karting et encore moins pour t’aider à passer à la monoplace. Du coup, avec mon père, nous nous étions renseignés sur les écoles de pilotage. On nous en avait indiqué plusieurs, le Mans, Magny-Cours, Paul Ricard. C’est le journaliste Gérard Crombac, rencontré à je ne sais plus quelle occasion, qui nous avait conseillé les écoles car nous n’avions pas d’argent. D’après-lui, la meilleure était Winfield, à Magny-Cours, car c’était la plus difficile. Nous l’avons choisi immédiatement en nous disant : si on gagne, on continue, si on perd, on arrête tout ! »

 

Pour le jeune Grenoblois, rien n’est alors plus beau qu’une monoplace. Il n’a d’yeux que pour elle. Ne rêve que d’elle. « Avec mon père, on partait de Grenoble avec l’Ami 8 à 4h00 le samedi matin. J’avais ma combinaison de kart et mon casque en liège recouvert de vinyle. Je faisais mes sessions le samedi et le dimanche. On dormait dans la voiture pour économiser les frais. Le dimanche, on rentrait immédiatement après. Il y avait un nombre de tours limités, ce qui était très bien car ça permettait d’égaliser les chances entre ceux qui auraient pu se payer plein de tours et les autres. En fait, on faisait tellement attention avec mon père que je n’ai pas fait le nombre maxi de tours. Je suis arrivé en finale sans avoir roulé autant que j’aurais pu mais comme j’allumais tout le monde à chaque fois, je me disais que ce n’était pas la peine. »

 

Apprécié de ses moniteurs Tico Martini, Mike et Richard Knight, René se sent bien dans cette école où, surtout, il s’amuse. « Dès que je pouvais glisser mes fesses dans le baquet, j’avais banane, sourit-il un brin nostalgique. Comme je venais du kart, je faisais toujours des trucs pas toujours dans les clous. Mes temps étaient canons, mais mes entrés en virage en glisse n’étaient pas un bon exemple pour les autres élèves. J’ai tout de même essayé de me corriger pour arriver à la finale. L’ambiance était extraordinaire et nous étions tous sur un pied d’égalité. Aussi, on ne peut pas non plus dissocier l’école Winfield de Tico Martini qui construisait ces magnifiques voitures. » Tico Martini qui allait jouer un rôle important dans la carrière du Volant Shell 1973 ! « Shell m’a complétement abandonné après ma victoire en Formule Renault Europe. Fin 1973, je devais aller directement en F2, mais Shell n’a pas tenu parole. Tico m’a alors aidé pour que je puisse faire de la Super Formule Renault. Sans lui ma carrière s’arrêtait-là. »

 

René Arnoux Champion d’Europe de F2 1977, au volant d’une MK22

 

De cette période de vache maigre, le futur vainqueur de Grands Prix ne garde aujourd’hui que le positif. « Un petit camion, un mécanicien hors-pair pour le châssis et moi qui m’occupais de refaire les moteurs ou les boîtes… C’était difficile car on ne vivait que sur les primes. Quand je rentrais à Saint-Parize-le-Châtel après un week-end de course, les commerçants me disaient : alors René, on marque ou on paye aujourd’hui ? Comme j’avais gagné, je payais le riz et les chipolatas (rires). C’était comme cela. C’est en F1 que j’ai mangé mon pain blanc, mais c’est grâce à ces années-là que j’ai fait cette carrière. Grâce à Winfield ! ». Winfield qui se réinvente sous l’impulsion de Frédéric Garcia et qui n’a pas abandonné l’idée d’un Volant. Pour de plus grand plaisir de René Arnoux qui aimerait « pouvoir écrire merci Winfield en lettres géantes dans le ciel ! ».

 

René Arnoux pendant sa première année en F1 chez Martini, au volant de la MK23

 

 

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