C’est aux frères Mike et Richard Knight, aujourd’hui âgés de 80 et 75 ans, que l’on doit l’école Winfield qu’ils ont porté avec Tico Martini depuis le premier jour. Souvenirs de jeunesse.  

Gravé dans sa mémoire ! Mike Knight, fils ainé du fondateur de l’école Winfield, n’est pas près d’oublier ce 22 novembre 1963 à jamais mémorable, mais pas forcément pour la raison que l’on pourrait imaginer. Ce jour, celle qui s’appelait encore la Jim Russell Racing School, installée depuis quelques mois sur le « Motor Stadium » de Magny-Cours, avait trouvé son premier lauréat : Jean-Pierre Jaussaud. Le soir de l’événement, moniteurs, élèves, membres du jury s’étaient retrouvés au restaurant La Renaissance, chez Jeannette, pour célébrer ce premier « Volant Shell ».

« J’avais découvert Magny-Cours quelques jours plus tôt alors que j’avais été chargé par mon père de descendre depuis l’Angleterre la Cooper remise au vainqueur du Volant, se souvient Mike Knight aujourd’hui avec émotion. Arrivé dans la petite bourgade, j’avais demandé où était le circuit mais personne n’avait pu me répondre. Finalement, j’avais fini par le trouver en m’engouffrant au hasard dans une petite route. Puis était arrivée la finale dont la date est restée gravée dans ma mémoire puisqu’elle coïncide avec celle de l’assassinat de Kennedy. Un 22 novembre 1963 porteur de tant d’inquiétudes pour le monde, mais de tant d’espoir pour moi. Ce premier Volant, nous l’avions tellement imaginé que rien n’aurait pu gâcher notre plaisir. Même un tel choc ! »

 

DE JIM RUSSEL À WINFIELD

Un an plus tard, Bill Knight, le père, ayant décidé de stopper sa collaboration avec Jim Russel, renommait l’école « Winfield », du nom de jeune fille de sa mère. Bientôt en charge de la société, Tico Martini qui allait devenir le réputé constructeur de monoplaces que l’on sait recevait le renfort de la fratrie Knight. Alors que Mike enchainait les allers-retours avec l’Angleterre où il menait de front une carrière de pilote en F3, Richard, le cadet, s’installait dans la Nièvre. « Papa nous a dit de faire en sorte que ça fonctionne financièrement, se souvient ce dernier. Ça tournait, mais ça ne rapportait pas grand-chose. On a augmenté les prix, fait des économies où s’était possible, et demandé à Tico de construire des voitures solides. » Il y a d’autant plus de travail au sein de l’école que Winfield dispose désormais d’un second site dans le sud de la France, sur le Circuit Paul Ricard.

 

 

Premier logo de Winfield en haut à droite du portail

 

L’ÉCOLE DES CHAMPIONS

Un site auquel un jeune homme hors norme donnera ses lettres de noblesses. Il a vingt ans en 1976 et se nomme Alain Prost, futur quadruple champion du monde de Formule Un. « C’est le seul élève qui nous a appris quelque chose, s’amuse Mike. Lors de sa première saison, il gagne 12 des 13 courses au programme, perdant la 13e à cause d’un problème de boîte. Deux ans après, alors qu’il évolue en F3, je me retrouve à discuter avec lui et il se met à me parler de boîtes de vitesses. Il me dit de faire attention à elles, car elles peuvent être préjudiciable pour un pilote en termes de carrière. Je suis un peu interloqué. Ça faisait deux ans, mais il avait toujours son abandon en travers de la gorge ! »

 

Alain Prost – Vainqueur du Volant Elf-Winfield 1975

 

Un autre champion du monde a aussi usé ses fonds de combinaison sur les bancs de la Winfield, Damon Hill, alors seulement connu pour être le fils du légendaire Graham Hill. « Ce fut plus difficile pour lui car il n’avait aucune idée de ce qu’il allait trouver en arrivant à Magny-Cours, évoque Richard. C’est sa mère Bette qu’il l’avait inscrit parce qu’elle voulait qu’il arrête de courir en moto. Entre deux maux, elle préférait encore le sport auto. Il avait quelque chose, mais c’était trop tôt. Il n’a pas été assez rapide pour être en finale. »

Le britannique n’est pas le seul pilote de grand talent à ne pas avoir été accepté en finale, il y a aussi Jean-Pierre Jarier. « Il avait un super coup de volant, il allait vite, mais il agissait comme un jeune chien fou qui faisait parfois n’importe quoi, grimace Mike. Les voitures étaient fragiles, il était interdit de sortir dans certains virages jugés trop dangereux, et nous avions tendance à calmer tout le monde. Mais lui n’entendait rien. J’ai tenté de lui expliquer qu’il y avait pleins de gens autour du circuit qui regardaient, et que si je le laissais faire, d’autres qui n’avaient pas la même maîtrise seraient tenté de faire pareil et casseraient du matériel ou, pire, se feraient mal. Je lui ai dit d’être dans les clous ou je n’aurais pas d’autre choix que de le virer. Il ne s’est pas calmé… »

François Cevert était tout l’inverse, comme Mike Knight aime à se rappeler. « J’ai commencé comme moniteur l’année où il s’est inscrit et Tico (Martini) m’a dit : « tu vois ce gars, il ira en F1 ! » Il était très discipliné lors des stages, allant vite mais sans plus. Par contre, le jour de la finale où les conditions de piste étaient mi-sec mi-humide, et a attaqué comme jamais auparavant, et il est resté sur la piste ! »

Des champions, la Winfield en a produit beaucoup qui se sont illustrés dans toutes les disciplines du sport auto et continuent de le faire car 60 ans n’est qu’une étape, pas une finalité.

 

Crédits photos : ©Bernard Asset