En cette année 1968, Jean-Pierre Jabouille se voit proposer le volant d’une Marcos aux 24 Heures du Mans, à partager avec Jean-Louis Marnat et Claude Ballot-Léna. Comme toujours il embarque son copain Jacques dans l’aventure, sauf que cette fois, la personnalité du jeune Laffite séduit Hubert Giraud qui engage la voiture…

 

« Je faisais du karting pour m’amuser et je ne pensais pas devenir pilote automobile de toute façon, se souvient Jacques Laffite. Je ne me posais même pas la question. J’aimais les bagnoles, c’est tout. Et même si j’avais eu ce désir, je n’avais pas d’argent. A l’époque, les mecs commençaient par la course de côte ou la Coupe R8 Gordini comme Jabouille. Avec Jean-Pierre, on était pote, et je lui faisais la mécanique. On s’était rencontré à la patinoire quand on avait 15 ou 16 ans. À Paris, c’était l’endroit où les ados se retrouvaient. Lui avait un scooter Scania, et moi un vélo. La course, pour moi, ça a été un gros coup de bol. Comme j’accompagnais Jean-Pierre sur ses courses, j’essayais de me rendre utile en amenant les sandwiches, etc. Je faisais le grouillot ».

 

En février de l’année suivante, les deux potes rejoignent M. Giraud à La Plagne pour un week-end de ski. « Je ne comprends pas pourquoi Jacques qui skie si bien ne fait pas de la bagnole », interroge ce dernier. « Parce qu’il n’a pas de ronds, lui répond Jabouille. Là, il skie avec les chaussures de ma femme, le forfait de mon grand-père, etc. et c’est lui qui a descendu la voiture depuis Paris ». Pensif, Hubert Giraud se dit que ce gars qui leur file des coups de mains depuis un moment, mérite d’être aidé. « Il m’a attrapé et m’a dit qu’il allait m’emmener avec lui pour faire l’école de pilotage Winfield de Magny-Cours, poursuit le futur pilote de Grands Prix. Comme il a vu que ça me gênait, il m’a dit qu’il avait besoin d’un chauffeur pour conduire sa Ferrari 365 et qu’il m’offrait l’École Winfield en échange de mes services. Il m’a financé le Volant Shell 1969. »

 

Jacques Laffite, avec des autocollants Winfield sur son casque, lors d’une course de Formule Renault en 1972.

 

Ses instructeurs se nomment les frères Knight, Simon de Lautour et Tico Martini. « Je me souviens de Richard et Simon nous faisant une petite démonstration sur la manière de doubler en course dans le virage 5 et, finalement, nous avons eu droit à comment s’accrocher sans se faire mal. Comme quoi, ils y mettaient du cœur ! J’ai toujours aimé un léger sous-virage et ils me disaient toujours que ce n’était pas comme cela qu’il fallait s’y prendre. Moi, je ne savais pas faire autrement. Freiner tard à l’intérieur pour provoquer une dérive des quatre roues, ce n’était pas courant à l’époque. »

 

Jacques ne décroche pas le « Volant » remporté par Jean-Luc Salomon, mais repart avec le « Trophée », un programme crée par l’école Winfield pour donner une seconde chance aux pilotes prometteurs qui avaient loupé le volant. « Ça m’a donné droit à une bagnole pour six courses, poursuit l’intéressé. Une pêche miraculeuse pour le grand amateur de rivière que j’étais. J’avais déjà 26 ans, c’était tard, mais je n’ai pas lambiné… Dans ma tête, je m’étais dit que si je n’étais pas capable de gagner en Formule France, ce n’était pas la peine d’aller plus loin. Je pouvais rouler vite, mais je ne savais pas si je pouvais gagner. J’ai mis 5 ans et demi pour arriver en F1 après avoir remporté la Formule Renault en 72 et la F3 en 73 ; ce qui était plutôt pas mal ! Je dois beaucoup à l’école Winfield, à ses moniteurs et à Tico que j’adore et que je vois régulièrement. »Jacques Laffite n’a jamais oublié, incluant à jamais dans sa livrée de casque le sigle Winfield.

 

Présentation de la Martini MK16-BMW, avec Jacques Laffite, Tico Martini (co-fondateur de Winfield Racing School), et Hugues de Chaunac.

 

Crédits photos : DPPI / Jeff Lehalle